dimanche 4 mars 2012

Hiérarchie et messages clairs assisté par les chevaux


Qui voyons-nous vraiment en l'autre?

J'ai acquis Lancelot dans le centre équestre où je montais. Je me souviens avoir attendu de mon cheval qu'il me soit infiniment reconnaissant. J'espérais qu'il pousse un doux hennissement quand je venais le voir, qu'il me montre un certain attachement. C'était ma vision, mon envie. Mais comment l'y faire adhérer?
Ce cheval DEVAIT être heureux d'être le centre de mes attentions. Et bien.... rien de tout ça!


J'avalais quantité de livres pour comprendre ce cheval. Et j'ai commencé à acheter ... une couverture, des brosses, un cure pied, des bonbons à la pomme, à la banane, un tapis de selle assorti à la couleur de mon pantalon. Je ME faisais plaisir. Et plus je me faisais plaisir, plus il me faisait peur...

Il travaillait moins du fait que j'étais la seule à le monter. Cependant que sa dose de nourriture restait identique... il fallait bien que cette énergie s'exprime quelque part!!

Une amie excellente cavalière est venue le voir pour me montrer les bases de la manipulation. Entre autre premier soin elle attrapa une paire de ciseaux pour lui couper les quelques poils autour de la bouche, "parce que ça n'est pas joli!". Sans savoir pourquoi je me suis sentie extrêmement mal, comme si on avait arraché quelque chose à Lancelot. Bien plus tard j'ai appris que à l'instar des chats ces vibrisses leur servent d'antennes. Les couper équivalait à le priver d'un de ses sens. Comme si nous nous amputions du nez "parce que ce n'est pas joli". Que cela soit aux chevaux ou à nous-mêmes, nous infligeons tellement de sévices que nous en devenons aveugles. Une formatrice qui souhaite se renseigner sur l'approche d'équi-coaching a été tout simplement estomaquée d'apprendre que mes chevaux vivaient en troupeau. Sa vision des chevaux étaient de grands animaux entre trois murs en brique et une porte à barreaux pour les enfermer...

Pour revenir à Lancelot, cette même amie m'emmène un jour sur une piste de galop désaffectée et nous voilà parties dans un sens. J'étais transportée d'euphorie sur un beau rythme rond, me rendant compte que je gérais fort peu l'énergie qui se déployait sous moi. Sur le chemin de retour voilà cette énergie qui m'échappe et nous partons vers la sortie direction ... l'autoroute! Je ne gérais plus rien, j'étais terrorisée. J'entendais mon amie crier derrière moi mais je ne comprenais aucun mot de ce qu'elle me disait. Un moment un arbre m'a paru fort près et j'ai tiré la tête de Lancelot de toutes mes forces dans cette direction. Il s'est arrêté, écumant de force, j'étais anéantie, les genoux trop tremblants pour tenter de descendre. Comme scellée sur le dos de Lancelot pour le pire. Mon amie nous a rejoint pour me dire qu'elle n'avait pas eu peur pour moi une seule seconde et que tout cela s'était très bien passé - d'ailleurs nous allions retourner au manège et j'allais remettre Lancelot au galop! Une fois sur la piste détrempée de pluie mon amie m'a hurlé dessus pour me faire repartir dans une allure à trois temps qui me paraissait le chemin le plus court vers le néant. Au bout d'une demie heure j'ai remis Lancelot au box pour rentrer chez moi très penaude de n'être arrivée à rien.

Mais qui était ce cheval?
Son statut de cheval de propriétaire l'avait vu déménager d'un box au fond d'un couloir pour arriver en face d'une jument qu'il détestait positivement. Chaque fois que j'étais là, je le voyais faire des grimaces terribles, encolant ses oreilles à l'arrière de la tête et montrant les dents dès qu'elle le regardait. A gauche il y avait deux boxes vides qui servaient de débarras. Et à sa droite, son nouveau voisin à qui il envoyait force coups de pieds au travers de la paroi dès la distribution de nourriture. Lancelot était excédé et probablement malheureux.

Pourquoi réagissait-il contre tout son entourage? 
Je l'avais retiré à une bande de copains avec qui il sortait plusieurs fois par semaine en forêt. Il se retrouvait avec des chevaux qu'il ne connaissait pas et il me semblait qu'il avait décidé de ne pas les aimer. J'exigeais de lui qu'il satisfasse à mes demandes et il faisait la sourde oreille. Nous sommes partis dans une escalade de moyens : éperons, cravache, pelham...
La résistance mutuelle se retrouve en entreprise
Les messages... qui ne passent pas! Ou plutôt la résistance mutuelle.
Récemment une formatrice m'a été envoyée par sa hiérarchie pour un "problème de leadership". Fabienne a postulé pour un poste de dirigeante d'une équipe de collègues. Elle est la plus jeune des onze personnes qu'elle dirige. Son nouveau statut n'est pas accepté par ses collègues. Après plusieurs conflits en réunion, c'est l'escalade de moyens.

Sa hiérarchie me l'envoie pour asseoir son leadership et il lui est signifié qu'elle participe ainsi à la formation "de la dernière chance" mais elle ne doit surtout pas dire qu'elle sera avec des chevaux! Pour participer à cette formation elle doit faire deux heures de route le matin et deux heures de route le soir. Fabienne est très courageuse de s'être trouvé dans une situation aussi peu confortable. Elle a été au bout de sa démarche et a brillamment réussi les exercices de leadership.
POURTANT... Elle a réagi comme Lancelot! Elle a couché les oreilles pendant deux jours!... Elle a réagit CONTRE l'entourage à défaut de pouvoir le faire contre sa hiérarchie. Cette hiérarchie qui la connaît fort peu mais en attend beaucoup! Hiérarchie qui ne gère plus rien... comme moi dans les galops de forêts avec Lancelot!

Une compétence managériale : se poser les bonnes questions!
Se demander :
  • En quoi le message "formation de la dernière chance" est-il porteur du sens de ce qu'elle attend de Fabienne?
  • Qu'est-ce que Fabienne pourra faire du non-dit entourant cette formation?
  • Comment cela va-t-il permettre à Fabienne d'intégrer les bénéfices qu'elle pourrait en retirer?
  • Est-elle au claire dans ce qu'elle attend de Fabienne?
  • S'il est vrai que l'on ne peut pas ne pas communiquer... que communique-t-on réellement? Et qu'est-ce que cette hiérarchie a souhaité communiquer?

Pour en revenir à Lancelot, mon intuition me disait qu'un symbole de liberté enfermé entre quatre murs était trop contradictoire pour continuer de lui imposer ce mode de vie pourtant vécue par 95 % des chevaux aujourd'hui... Pour ma part, un cheval en box équivalait à un internement. Or attendre d'un détenu qu'il soit dans un état d'esprit positif quand vous venez aux heures de visite est improbable.
Je voulais entendre ce doux hennissement de reconnaissance et cherchais comment l'obtenir..