vendredi 21 février 2014

Ou le sens hiérarchique se maintient alors que l'affectif s'en mêle...

"C'est lui le boss, mais c'est moi qui fait tourner la boutique! ..." il y a un mélange de fièreté et d'amertume dans ses propos.
"Je dois avouer qu'il reconnaît toutes mes qualités, il les crie sur tous les toits, il sait parfaitement le rôle que j'ai dans le succès de son entreprise. Si je devais me contenter de reconnaissance, j'ai ce qu'il me faut. Mais au final c'est lui qui part en vacances, pas moi. Quand je demande une augmentation il n'y a plus personne en face de moi... il s'effondre, s'angoisse... et je prends tout ça comme un tsunami dans la figure! Et du coup moi aussi je stresse".
 La personne qui est en face de moi a beaucoup de prestance et d'énergie, ce qui correspond peu à son discours.
"Si je m'en vais, toute l'affaire s'écroule.
- Qu'est-ce qui vous retient de rester dans une situation aussi inconfortable?
"Je ne peux pas faire ça! Je connais toute sa vie, c'est impossible. Tout s'écroulera, il sera fini sans moi.
- Alors pourquoi restez-vous?
"En fait je ne sais même pas si j'ai encore envie de rester là..."

Ne plus avoir de vision de soi juste et de ce que l'on vaut vraiment, de ce que l'on veut vraiment, peut provenir de ce pilonnage de marques de reconnaissances orchestrées par un supérieur hiérarchique. Cela agit comme une pollution dont on ne s'aperçoit pas. Les cajoleries affectives quotidiennes deviennent une sorte de harcèlement moral qui paralysent tout désir d'autonomie.

Quand l'affection se mêle à un rôle hiérarchique c'est une inversion perverse qui rend l'autre dépendant.

Un chantage s'installe duquel il devient très difficile de se décalquer .... Pieds et poings liés comme un enfant. A cela viennent s'ajouter les contextes de crise économique, de solitude (quand on travaille autant il reste peu de place pour une vie de famille), d'âge qui vont étouffer toute envie d'autonomie.
Le cheval vous fera avancer exactement là où vous en avez besoin
Le cheval vous fera avancer exactement là où vous en avez besoin
Nous partons à la rencontre des chevaux. Très clairement l'un d'eux se détache du troupeau pour marcher vers cette personne qui en sera toute bouleversée.

On pourrait comparer ces rencontres aux places que l'on prend dans la vie. C'est d'ailleurs ce que je dis aux personnes qui viennent me voir, "présentez-vous à eux comme si vous étiez dans un cocktail ou une soirée".
Et c'est ici que l'on constate quand une basse estime de soi reste à distance, les mains en poche. Dans ces minutes suspendues tout est dit : l'attente que l'on vous remarque, que l'on vous fasse une place, que l'on vienne vers vous. Attitude réservée et dépendance. Mon cheval confirme par sa démarche tout ce qui vient d'être échangé.

Parce qu'il a une attitude particulièrement altière, il prend tout à coup une pointe du triangle de Karpman.
Et quelle que soit cette pointe qu'une personne lui tend le cheval s'en fiche parce qu'il fait avancer exactement là où c'est nécessaire, et dans l'instant.

Et cette personne a ressenti tout ce qui s'est activé lorsque ce fier destrier a marché jusqu'à elle. On retrouve dans cette rencontre la prestance et l'énergie qui collait mal au discours. Ce qu'elle ne sait pas encore c'est que ce cheval est un rebelle, comme elle.

C'est cette force de rencontre qui va déployer des prises de consciences qui seront alors très rapides, très efficaces pour activer un pouvoir personnel oublié et ouvrir le coaching vers une situation souhaitée... cela permettra d'activer les leviers nécessaires. A commencer par se poser les bonnes questions:
  • Quelle partie de mon ego est touchée dans la rencontre avec le cheval (ressenti) ...et qui se retrouve dans mon quotidien?
  • Qu'est-ce que je veux me faire croire (responsabilisation dans la relation au cheval)?
  • Qu'est-ce qu'on veut me faire croire (si le cheval représente mon supérieur hiérarchique)?
  • Qu'est-ce qui me retient vraiment de partir? Exercice de ressenti avec le cheval
  • Quel besoin je satisfait (si c'est le cas) en restant? Ressenti vécu en lien au cheval
  • Quel est mon réel intérêt? Prise de conscience

jeudi 13 février 2014

L'enfer de la perfection dénoncé par l'équicoaching

Isadora vient me voir pour, dit-elle, un "petit" problème survenu dans sa réorientation de carrière : suite à un accident elle est momentanément handicapée d'un membre. Elle adore les chevaux et veut se faire accompagner par eux pour atteindre l'objectif qu'elle s'est fixée pour son nouveau projet. Cet incident est un contretemps fâcheux dans son programme d'organisation.

Elle est charmante, s'exprime bien, sourit beaucoup. 
Manager depuis dix ans dans la même entreprise, un brusque déménagement des installations vers un pays étranger a entraîné une réorganisation drastique. Sa hiérarchie lui demande de travailler loin de chez elle dans une autre ville, elle accepte malgré la difficulté que cela représente par rapport aux trajets scolaires des enfants.

Elle est épuisée au bout de quelques mois. Elle en parle au RH, qui lui propose de garder deux jours de travail sur le lieu actuel, deux autres jours dans une ville plus proche et un jour chez elle en télétravail. Elle est enchantée de cette solution dans l'absolu. Au réel, c'est moins facile qu'il n'y paraît. Elle s'adapte quand même.

Au bout de quelques mois à nouveau, il lui est demandé de partager l'ordinateur qui lui permettait de travailler chez elle et de reprendre une journée de plus loin de chez elle. Elle accepte avec amertume.

Les vacances approchent, les valises sont bouclées et une fois sur place, malgré la plage, elle pleure. Pendant quinze jours. Diagnostic médical : burn-out!

Les basses estimes de soi sont des machines de rêves pour l'entreprise!

Dans l'entretien nous identifions assez rapidement qu'elle organise la vie de famille, les travaux de la maison, le bien-être de son mari et la scolarité de ses enfants sans aucune aide... et qu'elle travaillait de la même manière!
En entreprise cette femme est un rêve car elle se dépasse constamment... Elle est intelligente, jolie, vive et peut assumer toutes les fonctions, prendre toutes les casquettes dans la plus grande discrétion. Son mental de gagnante la fait se déployer, son obsession de la perfection la harcèle et elle n'identifie en rien que c'est une situation anormale.

En réalité elle se juge incompétente, son estime d'elle-même est en miettes. Elle est incapable d'identifier ce qui lui fait plaisir.

Son burn-out pourrait être qualifié de cadeau... à condition de prendre le temps. Car elle peut enfin prendre la dimension de ce qu'elle a construit comme croyances jour après jour sans jamais faillir : Etre parfaite!
C'est sûr que au quotidien nous avons une tendance réelle à choisir les informations qui vont confirmer nos croyances. Les magazines nous boostent pour être des femmes parfaites, des hommes parfaits et des enfants géniaux. Toute campagne de marketing a un ferment d'excellence ou de perfection à atteindre et nous baignons constamment dans cette ambiance.

Le problème des couveuses d'entreprise est de récupérer bien souvent des personnes ayant le même profil... et de les soutenir dans cette croyance que le nouveau projet sera parfait! Profil augmenté d'une sorte de besoin de revanche sur ce qui a été vécu comme un échec. Donc on arrive à un "soyez parfait, ... rapidement!"

Car quand elle me parle de son sens de l'organisation elle me dit :

    "Je suis fière de ça, je veux que tout le monde soit heureux autour de moi, que tout soit parfait. Je bouge tout le temps, ma tête est en ébullition car mes journées sont trop courtes. Cependant quand j'ai fait mon burn-out, j'aurais souhaité que mon mari s'implique à la maison. Il m'a reproché qu'étant en congé maladie j'avais tout le temps que je voulais pour m'organiser dans la maison. Alors maintenant que je vais mieux, que je suis en réorientation de carrière, je veux prouver que je suis capable. Je suis vigilante parce que si je me pose un moment il pourrait me le reprocher"...

Il pourrait ou il le dit?

    "Il ne dit rien, mais je suis sûre qu'il le pense...

A qui voulez-vous prouver que vous êtes capable?

    "A mon mari, mes enfants...

Ils vous le demandent?

    "Non...

Isadora identifie que de rencontrer les chevaux est un premier pas vers une vision d'elle-même plus juste. Elle est vaguement consciente qu'elle passe les bornes cependant qu'elle n'identifie pas encore tout à fait où elles sont. Les siennes comme celles des autres.

"Ca fait des années que je fonctionne comme ça...

Savoir ce qui lui fait plaisir est très compliqué car elle a pris l'habitude de faire passer le bonheur des autres avant le sien. Son propre projet est déjà un challenge pour prouver qu'elle peut faire... ce qui apporte plus d'anxiété que de plaisir.
Elle est dès lors dans l'anticipation constante de la satisfaction de son entourage. En anticipant elle se juge et juge son entourage. Son jugement l'enferme dans une vision étouffante et il est fort à parier que son nouveau projet ait peu d'avenir si elle reste dans cette voie-là.

Nous ne pouvons voir chez les autres que ce que nous avons appris à voir, et en général à voir chez nous-même! Cela provoque un enfermement douloureux auquel l'entreprise est aveugle car un collaborateur compétent, rapide, efficace... en un mot un collaborateur parfait est un must.
Avec beaucoup de bienveillance un de mes chevaux lui apprend à écouter son corps, à écouter sa peur, à décrypter toutes les sensations désagréables qu'elle a muselé pour être parfaite. En faisant cela, en acceptant de passer par les ressentis, elle commence à comprendre comment elle peut prendre soin d'elle-même pour réussir son nouveau projet professionnel.

C'est ce que l'équicoaching peut apporter à ces candidats compulsifs au burn-out : l'écoute de soi.

Dès lors que l'on se vit plus en temps que "fonction à remplir" qu'en temps "qu'être à vivre", le ressenti est cadenassé et pourtant c'est ce ressenti qui identifie cette limite qui nous retient de sombrer dans la maladie. Son accident a été le révélateur de cette obligation de prendre du temps pour elle-même, poser ses limites et prendre sa juste place.

mardi 4 février 2014

Le chant des sirènes

Se comparer à l'autre! Les modèles que nous renvoient les médias sont souvent marqués sous le sceau du "soyez le meilleur", "soyez performant", "excellez" et autres chants de sirènes qui, s'ils peuvent parfois nous faire rêver, peuvent aussi nous faire sentir à côté de la plaque.
Du coup on tente d'être celui/celle qui prendra le plus la parole en réunion, qui gagnera un salaire mirobolant et le mentionnera à qui veut l'entendre, qui soignera son look au mieux, qui aura la voiture la plus récente, la plus rapide, qui aura les enfants les plus intelligents, etc... Et de la comparaison à la compétition le pas est vite sauté et la spirale peut virer à l'infernal. Cette activation se fait cependant très rapidement.
Des tests ont été menés en laboratoire sur des personnes volontaires démontrant que l'on pouvait induire la compétition en manipulant uniquement des mots.
Les volontaires devaient former des phrases évoquant d'une part la compétition (la gagne, la performance, le rival, la bataille, etc...) et de l'autre la collaboration (ensemble, amitié, collaborer, oeuvrer collectivement, etc..)

Le simple fait d'avoir eu à évoquer des termes relevant de la compétition prédisposait à la comparaison sociale et à des attitudes de compétition lors des jeux proposés en seconde partie de test, alors que la collaboration produisait l'effet exactement inverse.*

Il est donc évident que certains termes et vocables sont utilisés délibérément dans certains milieux professionnels prônant de manière quotidienne des valeurs de dépassement de soi et de l'autre. La lecture d'une certaine presse managériale entraîne ainsi des valeurs de compétitions qui, si elle peut avoir des répercussions positives pour l'entreprise, peuvent être désastreuses au niveau personnel.
Albert Jacquard - qui nous a quitté bien trop tôt l'année dernière - dénonçait ceci :
"C'est le goût de la croissance qu'il faut dénoncer. En un siècle, 3 % de croissance annuelle revient à multiplier par cent nos dépenses. C'est intenable. La croissance est une drogue et, comme elle, elle fait du bien dans les premiers instants, mais tue à terme. [...] Mon constat est que pour la première fois, l'homme est face un changement radical qu'il ne voit pas. Nous nous sommes enfoncés à fond dans une impasse. Il faut faire marche arrière. Le règne du capitalisme est une impasse à lui seul, à cause de la finitude des moyens de la planète. Il faut changer de conception, mais les gens sont si déboussolés qu'il faut les aider"
Et comment aider?

Déjà ce ne sont pas toujours ceux qui en veulent qui gagnent! Et heureusement... A trop vouloir être le meilleur (au regard des autres) cela entraîne une telle pression que l'insécurité s'installe, les conflits éclatent, le bien-être s'envole... avec des conséquences de perte du sens de soi. Le curseur est parfois poussé tellement loin que la personne ne sait plus qui elle est.
"Je ne sais pas pourquoi je fais tout ça, je me lève, je travaille, je ne mange plus le midi, je reprends du travail
à la maison le soir et ce n'est jamais assez..." me dit Lara, jeune cadre dans une entreprise de transports internationales.

Qui a décidé que ce ne serait jamais assez?

La spirale infernale s'est emballée et il semble alors impossible de pouvoir identifier un espace de ressourcement qui permettra de retrouver du sens.

Etre aidé sans parler

Les chevaux - parce qu'ils s'en fichent que vous soyez un haut dirigeant ou un petit employé - voient en vous un bipède avec des émotions et des intentions. Ils vous replacent tout de suite dans un contexte de simplicité. Ils vont toucher cette intime partie de soi qu'un train de vie professionnelle a étouffé et qui peut enfin s'exprimer. Sans mots, dans le raffiné d'un ressenti finement aiguisé, leur regard va ouvrir la porte vers notre authenticité perdue. Ecouter la petite voix qui nous dit de prendre une pause à midi, de quitter les néons, d'aller respirer dans un parc et de revenir apaisé(e) vers les dossiers, la réunion en cours.

"Cela ne m'intéresse pas d'être plus performante, je veux être en harmonie avec qui je suis" me dira Lara après avoir rencontré une de mes juments.

Nous ne sommes pas dans les bisounours. Qui l'on est passe par une estime de soi solide et le respect de nos valeurs. Il est parfois nécessaire, si pas vital, de trouver ou retrouver ses marques quand on a été trop loin dans ce que l'on a cru être la bonne voie. D'un point de vue pragmatique, une personne malade coûte fort chère à l'entreprise, à la sécurité sociale et à la société. Que cette personne soit physiquement absente et sous certificat médical ou physiquement présente en provoquant l'enfer autour d'elle (et en incitant le départ des autres!) importe peu. Avoir perdu le sens de soi est dramatique.

Il n'y a aucun mal à vouloir être performant à la condition que cela soit en toute conscience, à condition de se respecter, de respecter l'autre et de ne pas se perdre dans le chant des sirènes.

Question :
- Que vous dit votre petit voix intérieure quand elle entend le chant des sirènes?

*"Competition, cooperation and the effects of others on me" Journal of Personality et Social Psychology, 2005 - Stapel D.A., Koomen W.