mercredi 31 juillet 2013

Leadership une question de biologie intelligente

En regardant hier soir "L'Adieu au steak" sur ARTE, je suis restée sans voix. Des petits cochons dodus par groupe de 5 poussés par l'arrière dans un énorme tiroir "avaloir" de viande sous les yeux du groupe suivant très agité qui attend derrière des barreaux, des boeufs encore vivants pendus à des crochets tressaillant sous les couteaux des hommes et des machines qui commencent à les dépecer, des dindons entassés sur un tapis roulant la face écrasée contre une vitre d'un couloir "dépeçoir", et un homme face caméra affirmant que les animaux n'ont pas conscience de la mort...
100 milliards de kilos d'animaux d'élevage sont morts en 2012. Et pour les hommes, combien de milliards de kilos d'hommes sont partis l'année passée? Ah non! Pas ça! Ca ne se dit pas de parler de kilos d'hommes en termes de décès ... Ok d'accord! Mais au fond pourquoi cela semble choquant?

Je me rappelle alors avoir lu dernièrement qu'un arrêt de la cour de cassation française autorise le licenciement par mail ou par sms .Une société qui a banalisé la consommation d'animaux au point de ne plus reconnaître l'animal emballé sous vide saute sans état d'âme dans l'acceptation du licenciement par texto.

Disparus, les têtes de veaux dans les étals des bouchers ou toute autre forme de pattes ou d'oreilles qui pourraient nous rappeler l'animal vivant.

Disparu la tête du collaborateur qui reçoit son licenciement. Attention à la désanimalisation! ... elle nous mène à la déshumanisation.

C'est tout simplement une perte de lien à l'autre, une formidable déresponsabilisation. Un refus de conscience, un refus de faire le deuil et de donner sens à nos actes.

Donner sens à nos actes peut se définir comme écouter ce petit détail, ce petit grain de sable dans l'engrenage de nos sensations corporelles qui nous dit "là c'est à toi de bouger".

Lors d'un séminaire de leadership je me suis trouvé confrontée à un dirigeant en difficulté de faire évoluer un de mes chevaux sur un parcours. Je lui ai demandé ce qu'il ferait si, en lieu et place du cheval, il avait eu - face à lui - un collaborateur dans le même état d'esprit que le cheval. La réponse a fusé : "Je le vire et j'en engage un autre!" ... Et si ce collaborateur était tout bonnement la personne la plus appropriée au poste désigné?
Comment un dirigeant en difficulté personnelle dans un rapport relationnel considère-t-il comme politiquement correct de changer de pion? Ni vu, ni connu. Aucune remontée d'émotion, le problème est extérieur et il y a suffisamment de monde sur le marché de l'emploi!

Accepter de laisser monter sa sensibilité à la surface semble culturellement inacceptable et reconnaître sa vulnérabilité encore pire. Sûr de son image qu'un leader comprime ses émotions j'avais en face de moi un corps vide de sensations. Et sans intérêt pour le cheval.

Car comment faire confiance à quelqu'un qui ne ressent rien en ce compris éventuellement le danger?

Quand j'ai interpellé ce monsieur sur ses sensations corporelles, colère et frustration ont violemment pris place, dans la seconde le cheval était à ses côtés débloquant du même coup la situation. Reconnaître son émotion rassure... cette réassurance est personnelle d'abord et reconnue par l'environnement. Par manque d'écoute émotionnelle nous sommes incapables de pouvoir faire évoluer une relation.

Quand nous abordons le thème du leadership le profil du leader tout puissant apparaît souvent comme étant le modèle à suivre ou à poursuivre. Qu'est-ce qu'un leader d'ailleurs? La personne en position toute puissante qui dégomme qui bon lui semble pour atteindre ses objectifs? La personne qui va booster son équipe en mettant l'un et l'autre en concurrence pour obtenir du résultat? La personne qui va rencontrer les compétences de chacun pour accompagner une équipe vers un accomplissement?

Pour ne pas s'empêtrer dans l'émotionnel c'est sûr qu'un licenciement de type SMS permettra en toute impunité de remplacer un pion par un autre sans qu'il y ait une réelle prise de conscience du souci d'origine de savoir où le grain de sable a grippé dans l'engrenage...

 ... je remercie cette personne d'être venue à ce séminaire de leadership car cela demande du courage, cela demande de l'humilité, cela demande d'accepter sa vulnérabilité. Cette vulnérabilité qui émerge de l'engagement actif dans une relation responsable, une relation dans laquelle chacun apprend à se répondre. Cette vulnérabilité qui est l'essence même de notre humanité.  



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