mardi 4 février 2014

Le chant des sirènes

Se comparer à l'autre! Les modèles que nous renvoient les médias sont souvent marqués sous le sceau du "soyez le meilleur", "soyez performant", "excellez" et autres chants de sirènes qui, s'ils peuvent parfois nous faire rêver, peuvent aussi nous faire sentir à côté de la plaque.
Du coup on tente d'être celui/celle qui prendra le plus la parole en réunion, qui gagnera un salaire mirobolant et le mentionnera à qui veut l'entendre, qui soignera son look au mieux, qui aura la voiture la plus récente, la plus rapide, qui aura les enfants les plus intelligents, etc... Et de la comparaison à la compétition le pas est vite sauté et la spirale peut virer à l'infernal. Cette activation se fait cependant très rapidement.
Des tests ont été menés en laboratoire sur des personnes volontaires démontrant que l'on pouvait induire la compétition en manipulant uniquement des mots.
Les volontaires devaient former des phrases évoquant d'une part la compétition (la gagne, la performance, le rival, la bataille, etc...) et de l'autre la collaboration (ensemble, amitié, collaborer, oeuvrer collectivement, etc..)

Le simple fait d'avoir eu à évoquer des termes relevant de la compétition prédisposait à la comparaison sociale et à des attitudes de compétition lors des jeux proposés en seconde partie de test, alors que la collaboration produisait l'effet exactement inverse.*

Il est donc évident que certains termes et vocables sont utilisés délibérément dans certains milieux professionnels prônant de manière quotidienne des valeurs de dépassement de soi et de l'autre. La lecture d'une certaine presse managériale entraîne ainsi des valeurs de compétitions qui, si elle peut avoir des répercussions positives pour l'entreprise, peuvent être désastreuses au niveau personnel.
Albert Jacquard - qui nous a quitté bien trop tôt l'année dernière - dénonçait ceci :
"C'est le goût de la croissance qu'il faut dénoncer. En un siècle, 3 % de croissance annuelle revient à multiplier par cent nos dépenses. C'est intenable. La croissance est une drogue et, comme elle, elle fait du bien dans les premiers instants, mais tue à terme. [...] Mon constat est que pour la première fois, l'homme est face un changement radical qu'il ne voit pas. Nous nous sommes enfoncés à fond dans une impasse. Il faut faire marche arrière. Le règne du capitalisme est une impasse à lui seul, à cause de la finitude des moyens de la planète. Il faut changer de conception, mais les gens sont si déboussolés qu'il faut les aider"
Et comment aider?

Déjà ce ne sont pas toujours ceux qui en veulent qui gagnent! Et heureusement... A trop vouloir être le meilleur (au regard des autres) cela entraîne une telle pression que l'insécurité s'installe, les conflits éclatent, le bien-être s'envole... avec des conséquences de perte du sens de soi. Le curseur est parfois poussé tellement loin que la personne ne sait plus qui elle est.
"Je ne sais pas pourquoi je fais tout ça, je me lève, je travaille, je ne mange plus le midi, je reprends du travail
à la maison le soir et ce n'est jamais assez..." me dit Lara, jeune cadre dans une entreprise de transports internationales.

Qui a décidé que ce ne serait jamais assez?

La spirale infernale s'est emballée et il semble alors impossible de pouvoir identifier un espace de ressourcement qui permettra de retrouver du sens.

Etre aidé sans parler

Les chevaux - parce qu'ils s'en fichent que vous soyez un haut dirigeant ou un petit employé - voient en vous un bipède avec des émotions et des intentions. Ils vous replacent tout de suite dans un contexte de simplicité. Ils vont toucher cette intime partie de soi qu'un train de vie professionnelle a étouffé et qui peut enfin s'exprimer. Sans mots, dans le raffiné d'un ressenti finement aiguisé, leur regard va ouvrir la porte vers notre authenticité perdue. Ecouter la petite voix qui nous dit de prendre une pause à midi, de quitter les néons, d'aller respirer dans un parc et de revenir apaisé(e) vers les dossiers, la réunion en cours.

"Cela ne m'intéresse pas d'être plus performante, je veux être en harmonie avec qui je suis" me dira Lara après avoir rencontré une de mes juments.

Nous ne sommes pas dans les bisounours. Qui l'on est passe par une estime de soi solide et le respect de nos valeurs. Il est parfois nécessaire, si pas vital, de trouver ou retrouver ses marques quand on a été trop loin dans ce que l'on a cru être la bonne voie. D'un point de vue pragmatique, une personne malade coûte fort chère à l'entreprise, à la sécurité sociale et à la société. Que cette personne soit physiquement absente et sous certificat médical ou physiquement présente en provoquant l'enfer autour d'elle (et en incitant le départ des autres!) importe peu. Avoir perdu le sens de soi est dramatique.

Il n'y a aucun mal à vouloir être performant à la condition que cela soit en toute conscience, à condition de se respecter, de respecter l'autre et de ne pas se perdre dans le chant des sirènes.

Question :
- Que vous dit votre petit voix intérieure quand elle entend le chant des sirènes?

*"Competition, cooperation and the effects of others on me" Journal of Personality et Social Psychology, 2005 - Stapel D.A., Koomen W.

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